je suis la seule à pouvoir me donner l'amour que je mérite."
Steve McCurry, 1984
Mère je veux me fondre en toi,
je veux me fondre en toi.
sinon, cela perdrait tout son sens.)
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C'est incroyable comme les réflexes reviennent vite. Je l'ai déjà dit quelques notes plus tôt. J'ai des larmes dans les coins des yeux alors j'écoute une voix qui me consolait il y a six ans de cela, six ans presque exactement ; ma mère m'avait offert le disque pour mon anniversaire.
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J'ai demandé à mon petit frère d'attendre quelques minutes avant de venir discuter avec moi. Je devais relire ce texte. Un très bon texte qu'a écrit celui que j'aime. Il a changé les noms mais je pense qu'il parle de nous. C'est peut-être à cause des trois heures d'étude de documents ce matin que je me mets à décortiquer ses mots. Je tente de les déshabiller.
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Il est fatigué et ne veut plus me voir pendant un moment. Il est fatigué. Nous ne nous verrons plus pendant des mois ou peut-être un an. Cela devrait sans doute me tuer de dire cela, mais je le comprends.
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Je ne suis pas morte.
Plus que tout, j'apprends la patience..
Il dit qu'il a peur. Moi j'ai la nuque qui chauffe, qui brûle, c'est un liquide brûlant et totalement immatériel qui remonte de mes épaules jusqu'à la naissance de mon crâne. Cela faisait un moment que cette eau brûlante et épaisse m'avait oublié.
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Nous avons discuté ce matin. J'ai aimé qu'il m'accompagne, j'espère qu'il ne se sentait pas obligé. Il m'a parlé de réincarnations, de ce qu'il avait déjà lu, de ce qu'il avait pensé et réfléchi. Une réflexion nait d'un miroir, ce n'est pas un verre oculaire. Il me parle donc, cela arrive souvent. Il joue de la musique. Il peint, il dessine. Il écrit bien. Il réfléchit le monde, il vit, il rit. Et j'aime quand il me montre tout ce qui nait de lui et qu'il me surprend.
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Jeudi soir par exemple, je crois que nous avons pleuré. Quelques instants plus tard, nous étions si heureux de nous retrouver. Je n'oublierai pas ce sourire. Quel heureux bonheur de savoir qu'un tel sourire peut exister. Il m'a montré cette grande feuille, ces silhouettes, du sang et de l'or. J'étais essoufflée et j'ai trouvé ça très beau. Je regrette de ne pas lui l'avoir vraiment dit, j'espère qu'il le lira.
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J'aime tellement lorsqu'il crée. Aux premiers jours, j'avais écrit :
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« Il crée et l’idée en devient brûlante. Le pressentiment concret.
Et ses doigts qui courent, et son application douce et l’infini. L’infinie vérité, du moins.
Mon corps à l’âme se soumet. »
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C'est toujours vrai.
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Ce même soir il m'a dit avoir l'impression que je ne souffrais pas qu'il vive, qu'il expérimente, qu'il crée sans moi. Comment cela aurait-il pu me laisser insensible ? J'y ai pensé, beaucoup. Et je crois sincèrement que ce n'est pas le cas. Je veux qu'il vive, qu'il soit heureux avec et sans moi. Je veux sans cesse le redécouvrir, comprendre comment ce qu'il a connu lorsque je n'étais pas là a pu le transformer, ce qu'il a pu découvrir et aimer. Et je décide préférer cela au désir social d'un amour unique.
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Je crois aussi que mes peurs ne doivent pas le dévorer comme les siennes ne doivent pas compresser ma nuque. J'ai une absolue confiance en lui, elle s'est renforcée aujourd'hui, hier et le jour d'avant. Mais pour ne pas qu'elle s'ébranle, il ne faut pas que nos peurs nous violentent.
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Je pense souvent à mon père ; il disait à mon frère – effrayé par le monde – que seuls les idiots n'avaient jamais peur. En grandissant les contradictions ont fait leur travail mais d'elles est née une certitude qui, je pense, continuera à m'accompagner aussi longtemps que je cheminerai : la peur, c'est elle qui détruit mon humanité à feu doux, c'est elle qui m'éloigne de ce que je suis, c'est elle qui me détache de l'amour.
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J'ai encore peur pour l'instant. C'est elle qui trempe ma nuque dans de l'eau croupie. Effectivement, j'ai peur qu'il ne m'aime plus en préférant quelque chose que je ne pourrai physiquement jamais être, physiquement ce serait sans doute le plus injuste. Il pourrait préférer des traits de caractères plus doux et moins fatiguant. Ou se lasser d'une enfant.
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Mais ce serait une erreur, je ne suis pas une enfant.
Je suis une femme. Je le suis devenue en comprenant mes caprices. Et en grande partie grâce à lui. Je ne le remercie pas pour tout, je crois que cela l'ennuierait.
Je suis aussi devenue une femme en acceptant la fameuse dénomination qui avant me dégoutait.
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Je ne veux plus jamais lui faire de mal. Jamais. La simple idée de l'avoir fait me révulse. Des fois, lorsque l'on souffre on croit que l'on irait mieux en blessant la personne. Cela m'est déjà arrivé avec lui. Ce n'était même pas le cas mardi, lorsque je lui ai dit ce qui l'a le plus blessé. Le pire est peut-être qu'il n'y avait aucune arrière pensée. J'étais seulement soulagée par l'ordre que je venais de mettre dans mes idées. J'étais soulagée de savoir si je l'aimais ou non, et heureuse que la réponse soit oui. Il n'a rien laissé paraître. Et quand il me l'a dit j'ai tenté de lui demander de crier, de pleurer, d'en faire trop dans ses moments de détresse. Mais je crois qu'il n'est pas exubérant comme moi.
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Avant d'écrire cela, je pensais à sa bouche, a son odeur. Je sais que j'en serai bientôt privée et c'est difficile. Peut-être pour plus longtemps que je ne le crois. Ce ne sont que des détails physiques. Je serai aussi sans doute privée de sa joie solaire, de ses conseils, de sa lumière sur le monde et sur mes pensées. Comme tout était obscur avant lui !
J'oublie tellement de choses, j'oublie le mal que je me donne pour lui plaire, pour ne pas l'agacer. J'oublie de dire la douleur que j'ai à voir que cela ne marche que quelques fois. Qu'il est dur de l'émerveiller. J'oublie de dire que son bonheur est le mien, je le crois, je le sais. J'oublie de dire que je l'aime. Je ne sais pas dire comment je l'aime. Il y a bel et bien des choses indicibles. Trop fortes, trop fortes pour être dites.
Alex Webb
J'ai donc grandi en écoutant inlassablement ce disque de Shakira. Et aujourd'hui je me dis qu'il m'a peut-être nui. You're the one I need. Comment, après cela, peut-on être sain d'esprit ?
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J'achève d'écrire ce texte en sachant que je le publierai dans l'instant sur mon blog. Il n'est pas destiné aux lecteurs habituels. Vous pouvez le lire, c'est bien entendu public. Mais je ne souhaite pas de jugement de valeur, pas de conseil, pas de moquerie. Pas de commentaires en somme.
Je le publie car je veux qu'il le lise. Et je ne veux pas l'embêter par courriel. Bonne idée ou pas, tant pis, je ne veux pas savoir.
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« Ne pleure pas ma sœur car tu portes le Monde ; n’écoute pas les bâtards qui voudraient te voir triste car Terre-Mère est malade mais Terre-Mère résiste. »
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Quand rompre avec la douceur ?
Je suis la terre ébranlée et je m’énerve et je détruis.
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Et je regarde autour de moi, le bonheur me submerge car j’en ai la force.
Amor Fati.
C’est ainsi que je suis libre, je ne vois pas les autres qui ont des plaisirs plus bourgeois que les miens, les manières qui me tailladent, les détails qui m’agacent.
L’amour ?
Je suis seule au Monde et parmi tout ce qui m’entoure, entre les autres, je suis seule, multiple, pleine, vide, lisse et éruptive. Je n’ai besoin d’aucun particulier.
J’aime le Monde.
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Les limites sont dans ma tête.
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Et derrière, il y a l’or.
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(Vous me semblez ridicules
Mais je suis sans doute envieuse
D'être à jamais trop loin.
De ne jamais être tout à fait humaine,
Je suis sans doute envieuse.)
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J’écoute ces notes et je sens les chemins qui se tracent. Comme de l’aquarelle noire sur une page blanche, aquarelle qui dessinerait d’elle-même des arabesques partant juste de mes pieds. Je sens les grains du papier.
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Depuis toute petite j’ai décidé que les routes que j’emprunterai seraient déterminées par les amours divers. Il y a des saveurs étrangères qui se mêlent à l’haleine de certains hommes et qui me font apprendre ou écrire. Il y a des saveurs qui me disent « regarde, c’est là la bonne direction ». Il y a mon odeur et je voudrais qu’elle envahisse les rêves de quelques uns d’entre vous. Je n’hésite pas à effleurer les lieux communs ; j’ai besoin de l’amour et de la reconnaissance, comme tout un chacun. Les amours déterminent mes chemins.
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Toutefois, je saute parfois à pieds joints sur le bas côté. Et cela peut me blesser, je pleure en essayant de ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller ceux que je ne voudrais alerter. C’est toujours l’amour qui m’envoie et m’emmène de l’autre côté, je crains seulement qu’il n’y ait personne en face de moi, rien qu’un miroir, et que l’amour soit gaspillé.
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Je regarde celui qui dort à côté de moi, I don’t have to be romantic, I just have to be me. Il ne faut pas trop baiser ses lèvres, il pourrait s’éveiller avant que mon pouls ne se soit calmé. Et ne plus me voir dans le noir.
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Mais nous avons dansé.
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Je suis dans la zone limitrophe aux deux mondes.
Et cela m’exalte.
J’ai deux systèmes de sensations élaborées devant moi, deux projets qui se dessinent, deux langues, deux histoires miennes et étrangères.
Je voudrais être double et je le crie,
Cela m’excite.
Nous qui parlions des racines ou de suivre le soleil.
Et finalement, je crois que les deux plus beaux mots de la langue française sont
Primitif et Civilisation.
La langue française …
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Que dire ? Et comment le dire ?
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La nausée.
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Oh et puis non, seulement merci. Merci à toutes les femmes qui ont sillonné ma journée et plus généralement mon quotidien.
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Merci à Amy pour Tears dry on their own.
Merci à Fanny parce qu’elle a la tête haute.
Merci à Delphine parce qu’elle est heureuse.
Merci à Noémie pour son optimisme.
Merci à Mélanie d’être ma boussole et mon cadran solaire.
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