5 octobre 2010
Il n'y a pas de moment merveilleux, il n'y a que des regards émerveillés. Je suis arrivée au Brésil en y étant résolument prête sans m'y être préparée. C'était l'heure, je crois que j'en avais besoin. Besoin de partir, de voir du pays, de mettre des images sur les mots de mon enfance. Mais je ne savais même pas ce que passer quelques semaines dans un pays étranger, ce que passer quelques semaines sans sa famille voulait dire. Personne ne m'avait jamais appris ! J'étais modeste dans mes ambitions et dans ma condition. Le choc n'a pas été brutal, la douleur est arrivée en douceur. Elle est arrivée après l'allégresse du voyage, quand les choses se posent et avant que cette terre ne m'adopte. Elle a été lancinante plus que foudroyante et elle m'a donné une énergie folle. Mes derniers mois en France m'ont appris à ne pas aimer la douleur.
La question qui s'est posée depuis mon arrivée a toujours été la même, toujours la même peur en réalité. Est-ce que c'est bien moi qui vit ? Est-ce que j'absorbe ce qui m'entoure de la bonne manière, comme ce que je suis est censé le faire ? Mais je n'oublie pas qu'il y a des hommes, et beaucoup de femmes, et des enfants sans doute aussi, qui ont passé des années à se demander si le sujet n'est pas qu'une succession d'impressions, une succession d'états plus qu'un être permanent. J'ai déjà écrit et pensé que mes derniers mois en France m'avaient rendue à moi-même. Est-ce que la définition était construite ?
Ce qui est certain, je l'affirme ici : moi-même, c'est le bonheur, l'énergie et la paix. Au moins par choix, car je le décide (c'est l'une des choses que j'ai apprise à ce moment là ; mêler le destin au libre arbitre).
Une fois arrivée ici, j'ai eu une espèce de réflexion rétrospective, et ce que j'ai trouvé étrange c'était d'avoir du partir alors même que je venais d'atteindre, en France, un degré de réalisation de ma personne presque total. Je n'avais pas seulement touché le bonheur, je l'avais saisi à deux mains et malaxé jusqu'à ce qu'il s'adapte parfaitement à moi, au dessin de mon corps et aux courbures de mon esprit. J'ai du changer presque radicalement ce qui m'entourait et recommencer, reconstruire, m'habituer à une autre réalité. Arrivée au Brésil, j'ai remarqué que cette fois-ci, l'adaptation ne se faisait pas aussi rapidement, pas aussi facilement qu'en avril dernier. Ca m'a beaucoup déçue. Je crois en fait que ce que je laissais derrière moi était autrement plus immense et plus précieux.
Mais la précipitation de ces changements s'explique peut-être. A voyager trop vite (de nos jours, en avion, une heure suffit à épuiser 1 000 kilomètres de distance), les printemps perdent leur vrais intervalles. J'aurais vécu en six mois deux printemps, et la fin des hivers.
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