Rien ne m’est plus douloureux que l’absence d’humanité. Rien ne m’est plus douloureux que lorsqu’en face de moi, se dresse une carcasse vidée de ce qui devrait l’animer, si sa croissance n’avait pas été avortée. Rien ne m’est plus douloureux que de sentir s’installer le même vide en moi ; à voir votre inhumanité, c’est mon humanité qui s’en va.
Qu’est-ce qu’idéalement un être humain ? La définition que mes expériences et réflexions me permettent d’en donner est relativement simple. Un être humain, c’est une âme, si ce que l’on dénomme âme est l’union de la Raison (esprit) et des Emotions. Et je crois que la méprise est souvent faite en ce qui concerne la Raison. Dans un sens peut-être utopique, la Raison n’a pas pour but un calcul quelconque – ce qui serait en réalité qualifié de rationnel et non pas de raisonnable – mais elle vise la justice puisque la justice est issue d’un raisonnement logique. Quant aux Emotions, elles se dirigent utopiquement vers une absence de sentiments ayant un lien direct ou indirect avec la souffrance. C’est ainsi que Raison et Emotions tendent selon moi vers l’Harmonie. L’âme utopique est harmonieuse. Dans ce cheminement, ses deux composantes agissent l’une sur l’autre, dans une réciprocité profonde.
Qu’est-ce que matériellement un être humain ? C’est un corps, en parfaite interaction avec l’âme. Et on le sait, rien n’est plus nécessaire à la santé d’un corps que l’Harmonie.
Atteindre l’utopie ne serait-il pas simple dans ces conditions ? Que se passe-t-il, qu’est-ce qui provoque en moi cet effroi, cette douleur ? Pourquoi notre humanité à tous est-elle en péril ?
Dans l’observation de mes alentours à laquelle je m’adonne parfois, j’avais notifié quelques mots : « Un SDF qui meurt dans la rue et Auschwitz, c’est la même chose ». En réalité non, ce n’est certes pas la même chose. Mais c’est la même logique, c’est le même sentiment dans ma poitrine. Une rafle en 1941 et une reconduite à la frontière en 2009 ce n’est pas la même chose. Mais c’est la même logique et toujours ce sentiment lancinant dans ma poitrine. Toujours ce même vide en moi.
Mais alors, que ce passe-t-il ? J’ai l’intuition que c’est le même schéma, la même histoire. C’est ce qu’il se passe lorsqu’à la place de l’humain, de sa Raison et de ses Emotions, c’est une autre logique qui s’installe. Le génocide, c’est une autre logique que l’humanité. Le capitalisme, c’est une autre logique que l’humanité. L’école, c’est une autre logique que l’humanité. L’école oui. Non pas l’éducation. L’école. L’école dans la mesure où elle répond à un besoin de compétitivité, dans la mesure où si je veux être meilleur, il faut que les autres me soient inférieurs.
Le génocide n’est pas humain dans la mesure où je mets ma Raison au service du calcul pour ma survie, pour la rentabilité du nombre de morts et l’épuration. Le capitalisme n’est pas humain dans la mesure où je mets ma Raison au service du calcul pour ma survie, mon enrichissement, ma place dans la société. L’école n’est pas humaine dans la mesure où je mets ma Raison au service du calcul en faveur de ma note, mon semestre, mon diplôme, mes crédits.
L’humain n’est pas seul. Il est un individu mais l’individu est un atome aussi bien qu’il est l’univers tout entier. L’univers est un atome parmi d’autres. Nous avons développé un besoin constant de tout diviser, de classer, de ranger dans des cases des fragments minuscules. Ce n’est pas l’Harmonie. L’Harmonie se fait dans la globalité. L’individu s’insert dans un tout et il est en même temps ce tout. Il est minuscule et immense. Mon constat de base qui voulait que face à une carcasse je me sente tout aussi vide est le résultat de l’oubli de cette globalité. Nous avons développé l’individualisme dans son sens le plus grossier.
Nous avons développé l’idée qu’il faille oublier ses Emotions, les oublier dans le but d’être productif, les oublier dans le but de rentabiliser.
Nous avons développé l’idée que la Raison serve à calculer, à calculer dans le but d’être productif, à calculer dans le but de rentabiliser.
Nous avons oublié d’être humain et avons remplacé notre humanité par un système autre. Un système exogène à nos êtres qui crée par essence la peur en nous, la peur de ne pas être suffisant, de ne pas être à la hauteur. La peur de ne pas être assez rentable ni productif, et cela jusque dans le lieu où nous aurions dû nous éduquer.
Nous avons développé cette peur qui nous empêche de changer. Les systèmes exogènes se nourrissent d’eux-mêmes grâce à cette peur.
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Retournons à l’humanité, système antisystème, système où nous ne pourrions qu’être à la hauteur puisqu’il est le fondement de nos existences et ce que nous sommes. Puisqu’il est l’Harmonie dans laquelle, sans peur ni effort, nous pourrions évoluer.
2 commentaires:
Le concept d'Harmonie est intéressant. Je parle plutôt pour moi-même d'équilibre. Cette notion d'équilibre se retrouve dans de nombreuses civilisations, et l'on dit après tout que "la vertu est dans l'équilibre tout comme le vice est dans l'excès".
Ensuite plusieurs points qui me chiffonnent, mais qui sont surtout à mon sens des questions de vocabulaires différents.
Il est difficile de s'attaquer à l'école, vue le caractère positif qu'elle peut porter en elle chez de nombreuses personnes. Il me semble d'ailleurs que tu critiques la compétition et non l'école elle-même. L'objet de l'école, le plus traditionnel, c'est la transmission du savoir, pas la compétition. Mais paradoxalement nous, enfin surtout toi sur le coup, sommes tellement plongé dans l'idée de note depuis que nous sommes tout enfants que nous faisons une confusion entre les deux.
Ensuite sur la Raison et la logique. Tu dis que le génocide est une autre logique que l'humanité. Mais tu en déduis que c'est une logique quand même. De fait qui utilise la Raison. (Je déteste mettre une majuscule à ce mot, mais vois quel effort je fais pour toi ^^). Or tu parles d'une logique qui supplanterai la Raison...
Enfin, et c'est capital à mon sens, l'idée de Raison ne découle pas de l'idée de justice. Et la justice peut peut-être être considérée comme un mouvement logique dans le sens où elle prétend s'appliquer à tous, mais cette logique n'a rien de rationnel. C'est un masque auquel prétend aujourd'hui le droit, mais qui oublie que cela répond à un processus originel d'empathie, au départ appliqué aux victimes, puis que peu à peu nous parvenons à étendre aux criminels.
Bon, bien d'autres idées me viennent à l'esprit tant ton texte soulève de points. Elles écloront en temps voulu.
Continue, reine rebelle ! Le soi-disant anarchiste est avec toi !
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