Au début, je n'ai pas voulu dire, je gardais le silence. Il ne saura rien car tant que je ne prononce pas les mots fatidiques, les sentiments ne naissent pas à l'intérieur de mon corps. Et celui-ci n'est qu'un réceptacle au plaisir, pendant un temps.
Je ne dévalerai pas la pente.
Il a posé la main sur moi, j'ai senti les ondes de son être me pénétrer. Entre deux phrases à peine intéressantes, dans la pénombre de sa chambre et sur le bord d'une route, il m'a fait plonger. Au début j'ai refusé. Au début je n'ai pas voulu user du verbe.
Puis j'ai faibli. J'ai laissé les mots s'échapper de leur prison que ma bouche renfermait. J'ai pensé "allons-y". Car malgré les apparences il est sage, malgré les apparences. Les apparences ne peuvent pas lui survivre, il est trop sincère face au monde. C'est ce qui fait que je suis là. A l'intérieur de lui, derrière ses paupières, c'est un univers, sans fond et complexe. Son être est poétique. Poétique dans sa discrétion. Et lui est stable.
Il s'est trouvé il y a longtemps entre des mots et des douleurs.
Ce prénom qu'il n'aime pas, il me rappelle un autre temps.
J'ai prononcé un semblant de formule magique. Il me l'a ôtée des lèvres ; elles avaient peur du frémissement. Mais ce n'est pas tout, j'ai modelé la réalité, j'ai pris un engagement.
Maintenant qu'il s'est inséré en moi, j'ai tissé le lien, et j'y ai mis de la magie et du mystère. J'ai peut-être fait cela un peu trop vite, dans la précipitation de mon départ. Je ne peux pas tout lui dire de ce côté-ci de l'océan. J'ai peut-être fait cela un peu trop vite, trop mal taillée la plume et le poème trop enivrant.
Mais ce prénom qu'il n'aime pas me rappelle un autre temps.